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Saleté de 8...

A Toulouse tout les bridgeurs savent qu'il vaut mieux un beau dix qu'un neuf pourri.

Je viens de me faire piéger par un HUIT, carte perfide dont on ne se méfie jamais assez, et néanmoins signe d'infini, et porte-bonheur chez les Chinois.

Lors d'une compétition senior par paires, un jour où rien ne marchait, j'aurais dû pourtant me méfier....

Comment passer de 10 levées à 7, à cause d'un vulgaire 8


♠ 7 6 2
D 10 9 4
V 9
A R 5 4





♠ 



♠ A 8
R 6 3
A D 10 7 6 4
D 3


EO vulnérables. E a ouvert en 3ème d'un Pique. En Sud, je mets 2K, ma partenaire cue-bide à 2P. Comme on n'est pas là pour rigoler, que j'ai l'AP, une belle longue à carreau, 15 points et elle 10 ou 11, je joue 3SA.

Entame petit Pique sans surprise, je duque une fois pour le cas improbable d'un 6-2 (et en plus ils ont une communication à Coeur). Retour Pique pour mon As. La situation ne se présente pas trop mal avec ce joli complément à carreau. Le Roi est probablement placé (il n'y a normalement que 3 points en Ouest, peut-être un peu plus car il s'agit d'une ouverture en 3ème... Ces 3 ou 4 points peuvent comporter le RK, c'est vrai). Evidemment je n'ai pas le droit de perdre la main, impossible de jouer Coeur, sinon je donne l'As et 4 Piques.

Si le RK est placé je vais faire 10 levées en me baladant : l'AP, 6K, 3T. Sinon je suis à deux de chute (4 piques, le RK et l'AC). Donc il est placé.

Accessoirement le RK ne doit pas être 4ème en Est sinon il est imprenable, pas trop de chances car Est a déjà au moins 5 Piques, mais les 5-4 ça existe. De toute façon je n'y pourrais rien.

Donc après l'AP, je joue DT, xT pour AT et RT du mort car sinon par manque de communication je ne pourrai plus chercher cette 3ème levée à Trèfle et je me contenterai de 9 levées, on est en TPP...

Puis VK pour le R et bien sûr l'As. Et là je n'ai plus d'autre ressource que de jouer DK et constater que le RK était sec... 10K, il reste le 8 maître, et après la Bérézina pour finir à -2. Je devais pouvoir assurer -1 en affranchissant un Coeur, mais ce n'est pas le sujet.

Très honnêtement, j'ai un peu pensé au R quatrième imprenable, mais pas du tout au Roi sec qui entraîne un 8 quatrième, et oblige à se servir du 9K et sur cette donne avec difficultés de communication, à conserver la remontée à la DT.

Le bon plan (a posteriori c'est toujours plus facile de trouver le bon plan de jeu), avec cette répartition pourrie (3% des cas) : AP, 3T pour l'As, VK pour le RK sec et mon AK, 4K pour le 9 du mort, 4T pour revenir en main à la DT, 4 carreaux maîtres. J'aurai bien fait 9 levées. Il y a encore le RT maître au mort mais je ne peux aller le chercher et je dois jouer une majeure. 3SA égal.

Pourquoi : "la poisse ?"

Parce qu'en jouant comme j'ai fait, je ferai très souvent 10 levées, dès que je trouverai Rx ou Rxx à carreau en Est. C'est à 34% (en tenant compte des "cases vacantes", 5 Piques affichés en Est et 3 en Ouest, un tout petit peu moins, 33,3 au lieu de 33,9%).

Le cas pourri où il faudrait ne pas tenter la 10ème levée et penser au Roi sec en Est est à près de 3% (près de 4% en tenant compte des cases vacantes).

Toutes ces probabilités ne tiennent pas compte du fait qu'Est a ouvert, les points sont donc plutôt en Est et donc le RK a plus d'une chance sur deux d'y être. Il est évident que les probabilités sont supérieures à 33-34% et 4% mais je ne sais pas les calculer, il faudrait peut-être des méthodes par simulation type "Monte-Carlo". Ou bien le calcul direct, j'essaierai un jour.

Que fallait-il jouer ?

Encore une fois, je n'ai pas pensé au cas du Roi sec et donc du 8 quatrième. Que devrait faire un bon joueur qui y aurait pensé ?

Doit-il assurer 9 levées qui gagnent à 37% ? Ou bien tenter 10 qui gagnent à 33% ? Et dans 4% de cas se retrouver dans ma situation et chuter.

Je continue à penser (cf. article "assurer un de chute") qu'il ne faut pas se préoccuper du cas pourri, trop rare, et il n'y a aucune mauvaise foi dans ce raisonnement : en TPP, et si tout le monde a demandé 3SA avec entame Pique, le cas pourri étant rare, on fera bien plus souvent 10 levées et on sera devant ceux qui assurent leur contrat. En duplicate, inversement, il faudrait assurer ses 9 levées.

Pour se ramener aux probabilités et aux seuils de décision traités dans l'article, il faut éliminer tous les cas de Roi imprenable (mal placé ou 4ème ou 5ème). On ne garde que les 37,25% de cas où le contrat peut gagner (Roi placé et sec, second ou troisième) et parmi ceux-ci on fera très souvent une de mieux (second ou troisième), 33,33% sur 37,25% soit 89%. Mathématiquement en TPP on doit donc négliger le cas du Roi sec (89% est bien plus grand que 50%), mais en duplicate on n'est pas tout à fait au seuil pour chercher la levée de mieux, qui est, non vulnérable, de 12/13 = 92%.

Avec les bémols suivants, qui font que l'on n'est pas dans le cas d'école :

  • il s'agissait de donnes préparées, le "préparateur" a peut-être pensé à mettre un 8 quatrième pour punir les gourmands,
  • et surtout tout le monde n'avait pas demandé 3SA. Le "par" (17 fois sur 38) est à 150, probablement une partielle à carreau : on en fait 5 facilement car on peut défausser un P, donner l'AC et communiquer, et même 6 en trouvant le VC. Il se trouve que 5K= ou 3SA= rapportait déjà 86%, presque aussi bien que 3SA+2 à 93%. C'est un cas où il fallait jouer la sécurité, la levée de mieux ne change grand chose au pourcentage.

Personne n'a fait 3SA+1, ceux qui ont fait mieux ont probablement eu une autre entame que Pique. Il y a deux 460 et même deux 490, peut-être Est n'a pas ouvert avec 11H dont un Roi sec, donc Ouest fait une entame inoffensive. Mon score de -100 ne vaut que quelques % à cause de tous les partiels qui gagnent. Un "jour sans", décidément.

Les quatre jeux


♠ 7 6 2
D 10 9 4
V 9
A R 5 4


♠ R 10 4
8 5 2
8 5 3 2
V 7 2

♠ D V 9 5 3
A V 7
R
10 9 8 6


♠ A 8
R 6 3
A D 10 7 6 4
D 3


 

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